Jeudi 27 juin 2019 : Après un printemps et un tout début d’été bien moisi, voilà que la canicule fait son apparition. Des températures supérieures à 35° sont attendus partout en France et il est pourtant temps de filer vers Vannes dans la Berlingo-mobile (sans clim) pour disputer l’ultra marin et ses 177km longeant l’intégralité du Golfe du Morbihan. C’est le premier périple qui m’attend, un peu plus de 7 heures de route avec un bon 37°2 le matin et plus si affinité dans l’après midi, un régal. Après 750km, 2 litres d’eau, quelques pauses et largement le temps de penser à la course, me voici sur Vannes. Tous les voyants sont au vert, l’entraînement est très bien passé, côté sommeil j’arrive reposé, seule ombre au tableau la blessure de Wilfried qui va l’empêcher de disputer l’épreuve alors qu’il avait de sérieuses chances de figurer dans le haut du panier. Tiens d’ailleurs le voici à Wilfried, car malgré sa déception certaine, il m’accueille durant tout le weekend et, cerise sur le gâteau, lui qui a déjà parcouru à 3 reprises cette épreuve, me fait l’assistance. Une belle preuve d’amitié qu’il me fait là.

Direction le retrait des dossards et un petit coucou à Nathalie sur le stand Raidlight et nous filons retrouver ses parents dans leur maison de vacances à Sarzeau. Le coin est splendide juste au bord de la pointe de Penvins et l’accueil très chaleureux. Bref de quoi me mettre en parfaite condition pour le lendemain. Une bonne nuit de sommeil, un bon repas, une petite sieste et GO ! Nous voilà partis pour Vannes à deux heures du grand départ. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes comme dirait Pangloss (si tu sais pas qui c’est tu cherches sur Google). Sur place je retrouve avec plaisir Nico, on patiente à l’ombre en attendant 19h, l’heure du départ décalée d’une heure par arrêté préfectoral. La température est quand même encore très élevée, un bon 28° et peu ou pas de vent. En bon sudiste je me dis que je ne devrais pas être pénalisé par cette météo, d’autant que l’hydratation a été bonne ces derniers jours et ces dernières heures. Plus que quelques minutes… Je file me placer dans le sas de départ aux côtés de Nico et de Nathalie, cerné par les 1380 participants (et oui ça fait quand même du monde sur le quai). Et BIM !!! Les fauves sont lâchés, c’est parti pour une balade de 177km en terre inconnue.

Devant ça part très fort, tellement fort que je dois sans cesse jeter un oeil au gps pour ne pas me laisser aspirer par inattention. Le départ est juste splendide, il y a tellement de monde tout autour que les frissons sont là, peu à peu nous nous éloignons du port mais le public reste présent sur 2 bons kilomètres. Petit à petit il se fait plus rare et le Golfe s’ouvre à nous. Et quel régal pour les yeux, les couleurs en cette fin de journée sont sublimées, chaque sortie de sous bois offre un panorama tout neuf et magnifique. Petit bémol de mon côté, malgré la casquette et déjà pas mal de gorgées englouties j’ai des petites étoiles dans le regard qui n’ont rien à voir avec mon émerveillement pour les paysages. D’un coup d’un seul au 5ème kilomètre la tête tournicotte un peu et les étoiles se densifient dans le regard. C’est un coup de chaud qui arrive sans prévenir et surtout malgré les précautions prisent en amont. Je ralentis l’allure de manière significative, bois, m’asperge, bois, je me force à poser la respiration et peu à peu les étoiles disparaissent et le regard arrête de tanguer, ouf c’est passé et c’est tant mieux. cependant je continue à rester sur une allure modérée, de toute façon on a le temps. En revanche je me rends compte que la topographie n’est pas celle escomptée. Je m’attendais, un peu comme en Camargue, à une course plate et linéaire. Côté plat ce n’est pas tout à fait ça, sans pour autant ressembler au Tor des Géants, il y a là une succession de petites bosses, et autres escaliers qui cassent un peu le tempo. Mais là où c’est, pour moi, le plus déroutant, c’est que je n’arrive que rarement à tenir une moyenne stable bien longtemps. En effet le parcours est très différent tout le long, parfois en sous bois avec ses pierres et ses racines, parfois en bord de mer sur un muret de 30cm, tantôt sur des pierres glissantes, du sable et surtout semé de barrières bordant les chemins côtiers, barrières empêchant le passage de vélo, mais obligeant a s’arrêter puis à repartir juste derrière. Bilan, je me rends compte que mon entraînement n’a pas été si adapté que ça, moi qui l’ai adapté à celui de la Camargue.

En fait c’est un peu comme si je faisais un fractionné géant à faible allure et musculairement ça commence déjà à laisser des petites traces. Le premier ravito est le bienvenu, un peu de banane et le plein des gourdes et me voilà reparti. Un peu plus loin Wilfried fait son apparition sur le parcours, il a mis un temps fou à sortir de Vannes empêtré par la circulation des accompagnants des coureurs. Je lui parle rapidement du coup de chaud et poursuis ma route, on se reverra au 35ème km à Larmor Baden. Le jour continue de décliner et le soleil plonge dans l’atlantique, là encore un impressionniste aurait fait tourner plein gaz sa palette chromatique. 35ème km le ravito avec assistance. La nuit s’installe et j’en profite pour changer de tee shirt, tout trempé qu’il est, et de chausser ma frontale. Un petit auto-massage des guiboles et quelques minutes plus tard me voilà en route. Je reverrai Wilfried et mon sac au 52ème km à Bono (rien à voir avec le chanteur de U2, mais alors aucun rapport). Une nouvelle course commence, cette fois-ci éclairée à la frontale. Plus question de se divertir en regardant les paysages, il faut faire preuve de vigilance à cause des racines, seules les ombres et l’air iodé rappellent que nous sommes en bordure du golfe. Côté température, elle n’a que peu baissé, par ailleurs il n’y a pas un poil de vent, la respiration est pesante et peu profonde car l’hygrométrie est conséquente. Armé de mes écouteurs, je me lance dans cette nocturne en alternant d’avantage marche et course. Musculairement je suis un peu entamé et pourtant je passe au marathon en 4h30, en temps normal sur une allure similaire mais linéaire il n’y aurait aucune trace, mais ces stops et reprises de courses forcés accélèrent la fatigue musculaire. Mais peu importe je sais que ça va aller au bout cette histoire, d’ailleurs j’ai promis la médaille de finisher à mon petit Marin en rentrant.

La moyenne a quand même pris un coup dans l’aile, elle gravite maintenant à 8km/h alors ok c’est la nuit, ok il fait chaud, ok je commence à fatiguer mais il ne faudrait pas quelle chute encore plus aussi tôt dans la course. Quand je regagne le km 52, lieu du ravito où se trouve Wilfried, me voilà quand même bien entamé. Je prends alors une bonne soupe, et pas mal de jambon ainsi que du fromage, mais ce coup ci je n’éprouve pas le besoin de m’assoir comme si le fait de ne pas trainer aller faire passer la nuit plus rapidement. Wilfried de son côté me confie qu’il s’inquiétait un peu de ne pas me voir arriver au bout du quai annonçant le ravitaillement. La motivation est intacte et je repars en sachant que je ne le verrai plus avant la mi course, après la traversée en bateau. La nuit est certes belle et sauvage comme dirait quelqu’un de ma connaissance, mais b*rdel qu’elle me semble longue ! Les changements de rythmes, les coupures forcées de courses m’entament encore un peu plus, parfois je me dis tiens allez tu cours jusqu’à la fin de cette chanson et puis BIM ça ne fait pas 30 secondes que tu t’es mis à trotter que voilà une barrière ou un obstacle du style qui t’oblige à passer à la marche, alors tant bien que mal tu essaies de relancer, mais à chaque fois ça te coûte quelques points de vie. Sur le ravitaillement de Crach au 68ème km je me pose un peu plus. Je reprends une soupe, si vous faites l’ultra marin goûtez les elles sont terribles, m’assois quelques minutes et repars à la marche un bon kilomètre. Je m’enfonce à nouveau dans la nuit quand PAF ! du son mais plus d’image… Sans crier gare la batterie de la frontale a cédé. Dans le noir, je fouille à tâtons dans mon sac trouve la batterie de secours, passe 3 à 4 minutes à faire le changement et repars non sans avoir regardé si rien ne s’était échappé du Camel. 8h30 que je trotte maintenant et la nuit semble bien installée. Mais sur le coup des 5h du matin, la nuit se fait moins dense pour laisser l’aurore pointer petit à petit le bout de son nez sur le golfe. Revoilà à nouveau la magie des couleurs qui se remet en marche. La fatigue qui commençait à s’installer insidieusement s’estompe au fur et à mesure que le soleil sors de l’autre côté du Golfe. Locmariaquer se fait tout proche et pourtant, alors que j’y étais presque, le parcours bifurque sur la droite me faisant plonger en direction de l’océan et non de la pointe du golfe. Un petit coup au moral mais qui passe bien vite en voyant le bout du quai où je vais embarquer pour l’autre côté. Ça sent bon la mi-course !

Juste le temps d’enfiler un poncho et Hop me voilà dans un Zodiac en compagnie de 5 autres participants. La traversée est sublime. Le soleil continuant son ascension il baigne peu à peu le golfe de ses rayons. De plus le fait de passer une dizaine de minutes assis et ben ça fait du bien aux guiboles, elles reprennent vigueur, même si à ma descente je grimpe le ponton en mode pantin. Wilfried est là au débarcadère, juste le teps de lui faire un coucou et il file à Arzon lieu du prochain ravito avec assistance. Après 5km de course m’y voilà. Là je prends le temps de me changer de pieds en cap et d’ingurgiter un jambon purée sans saveur mais qui passe bien au final. Un bon auto massage, le temps d’un coup de fil à Isa et me voilà reparti frais comme un (demi) gardon. Il est un peu plus de 9h du matin et la température semble avoir grimpé en flèche. Le soleil cogne fort pour l’heure matinale et le vent ne semble pas vouloir se lever. Certains passages entre de hautes haies sont de véritables fournaises. Je commence à transpirer abondamment et malgré la casquette, les lunettes de soleil et quelques aspersions je sens ma température corporelle grimper en même temps qu’un certain inconfort.

Côté physique pourtant ça va, j’alterne mes marches/courses correctement, seules ces barrières qui se font de plus en plus omniprésentes me saoulent un peu, mais c’est cette chaleur qui m’inquiète, je pense que mon capital résistance a pris cher finalement entre mon trajet en voiture et mon coup de chaud de la veille, sans perler de cette nuit tropicale que je viens de traverser. Cela dit je reste confiant, enfin pas longtemps… au kilomètre 96 alors que je viens d’avaler 3 grosses gorgées d’eau, mon pot Raoul fait son apparition et ne laisse sortir que du liquide. L’estomac un peu retourné je repars à la marche histoire de faire passer ce barbouillement et quelques minutes plus tard reprends une gorgée… Rebelotte ! Les nausées reprennent et cette fois sont douloureuses. Je trouve un peu d’ombre, fait une pause, m’asperge et humecte dans boire le palais puis repars à la marche. 500 mètres plus loin j’essaie à nouveau de boire sachant que si je ne m’hydrate pas je ne vais plus avancer. Une minute se passe et tout ressort à nouveau. Un coup d’oeil à la montre, il me reste 3km pour arriver au prochain ravito. Ça va me prendre une heure pour le regagner, sans pouvoir boire la moindre gorgée, juste en humectant le gosier ou en m’aspergeant, ça m’a semblé une éternité. Arrivé au ravito je me donne 10 minutes pour prendre une décision, j’ai parcouru près de 107km, il en manque 70 ! Je n’ai rien bu depuis plus d’une heure, donc même si cela venait à passer cela a créé une carence. Et si ça ne passe pas c’est sous perf que je vais finir. La mort dans l’âme je me rend au point chrono et rend mon dossard. On me demande alors d’appeler le PC course et des sanglots plein la voix j’annonce à une bénévole bienveillante mon abandon. Difficile de le digérer, la tête était là, les jambes, bien entamées certes, seraient tout de même aller au bout. C’est finalement la chaleur bretonne qui a eu raison du gars du sud, complètement improbable… Et pourtant. Heureusement rapidement Isa est là au téléphone pour me réconforter suivi de près par Wilfried qui vient m’exfiltrer du ravito.

Cette course qui était l’un de mes objectifs annuel s’envole avec à 107km au compteur et 70km de regrets, on va tacher de passer au dessus, ça ne reste certes qu’une course mais elle me tenait à coeur. Comme disait l’autre I’ll be back !

Aujourd’hui 48 heures après, les jambes sont là quasiment sans courbatures, seule la tête est restée en partie au 107ème kilomètre avec un goût d’inachevé et une pincée de tristesse. Mais pas de panique de nouveaux objectifs vont effacer tout ça !

Un grand merci à Wilfried pour son amitié et son soutien tout au long de ce weekend ainsi qu’à ses parents qui m’ont offert un accueil 5 étoiles. Et un Grand Bravo à Nathalie et Nico qui ont terminé avec l’art et la manière.

To Be Continued …

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