Vendredi 29 septembre 2017 : Il est 13h30, l’heure de décoller vers Vauvert histoire de retirer le dossard, sésame qui me donnera accès demain au Grand Raid de Camargue. C’est ma troisième participation en trois éditions à cette course, la première édition c’est ici, la deuxième édition c’est là, et ben la troisième édition, bah comment dire, vous êtes en train de la lire… C’est une belle histoire entre cette course et moi, sur la première, mon premier 44km en relais avec les potos, la deuxième mon premier ultra et son premier 100km on s’en souvient pour toujours, mais cette année je dois avouer que j’y vais un peu à reculons. Loin de moi d’avoir été blasé par les précédentes éditions, au contraire entre les paysages qui m’attendent et le chaleureux accueil fait par la super orga je sais que je vais être comme un coq en pâte. Non ces derniers mois on été très compliqués à gérer en terme d’entrainement, voilà plus de deux mois que je n’ai pas rentré plus de 30km par semaine en entrainement et, d’expérience, je sais que j’ai de grosses carences sur le volume. La nouvelle maison et tous ses travaux on du, et c’est logique, prendre le pas sur le plaisir. Alors j’entends déjà les « mais pourquoi tu y vas ? », je n’ai pas de réponse précise, bien sur il y a l’envie de retrouver certaines personnes comme Laurent, Thierry, Gilles ou encore Philippe, d’en découvrir de nouvelles comme Nicolas, de déguster les paysages, de me retrouver avec moi même dans l’effort, mais à tout cela se mêle un sentiment d’appréhension. 104km sur des chemins, du sable, avec aucun dénivelé, c’est sans répit et je sais que la machine à moment donné va coincer, mais quand ? Comment ? Et la tête est-elle suffisamment solide pour affronter le Géant Camarguais ? Vous le saurez au prochain épisode…

… Non je déconne vous allez vite le savoir ! Enfin vite le temps de lire le CR. D’ailleurs il m’a fallu un petit moment de digestion avant de poser tout ça sur mon site tant cette année le Grand Raid a été intense, mais reprenons. Il est un peu plus de 16h quand Isa et moi pénétrons dans les arènes de Vauvert pour récupérer le dossard. Laurent est là affairé aux derniers préparatifs mais comme à son habitude il prend un moment pour venir nous saluer. Les bénévoles sont là aussi tout sourire et souhaitant bon courage. pour le lendemain. Il est maintenant temps de filer vers Salin de Giraud où sera donné, demain à 7h, le départ de la course. Une petite heure de route plus tard nous y voici. Habituellement nous logions en camping mais cette année ayant décidé de filer en amoureux, nous avons pris une nuitée au Flamant Rose. Bon la chambre était conforme mais l’accueil un peu space, le proprio absent à notre arrivée, « installez vous là ou là », bref pas méchant mais bizarre. Bon en revanche le repas du soir pris comme chaque année au Camargue toujours au top du top. La côte de taureau accompagnée d’un petit Listel just perfect ! Juste à côté les bénévoles se pressent pour peaufiner les derniers détails, des coureurs arrivent, jettent un coup d’oeil, on devine certains regards stressés, d’autres plus sereins, Bref on est à la veille d’un Ultra ! Allez hop une bonne nuit de sommeil, un dernier check aux affaires et BIM il est déjà demain (ça passe vite hein ?).

Un bon petit dej, un bon passage à popo, et il est temps d’aller retrouver les potos sur l’aire de départ. J’ai un peu plus confiance que la veille, peut être le fait de retrouver Philippe et Gilles, de voir Nico, on papote. On papote mais il se fait tard, dans une vingtaine de minutes le départ sera donné, à ce moment là j’essaie de ne rien laisser transparaître mais j’ai un peu la même sensation qu’avant un entretien d’embauche, ou un exam (bon le dernier date mais les sensations restent), en clair j’ai le trac ! Il y a toujours une part de stress avant un départ d’ultra, normal, mais là il est plus pesant, j’ai du mal à me détendre malgré la joie d’avoir Isa à côté, de retrouver les potos, une appréhension grandissante et pourtant j’ai l’air serein. Avec Isa nous faisons un dernier points sur les ravitos où elle me rejoindra, il y aura dans l’ordre Les Saintes Maries de la Mer au 40ème, le Bac du Sauvage au 49ème, un peu après Aigues Mortes au 88ème et enfin l’arrivée à Vauvert au 104ème. La feuille de route est tracée pour tout les deux et la journée va être longue, peut être même très longue. Côté météo c’est le top, le ciel est certes un peu couvert mais la température est idéale, j’ai fait le choix de partir avec le 3D Flex Sprint et de changer aux Saintes Maries pour le 3D Flex Perfect, en général ça passe très bien comme tenues. Toujours penser à rester en mode confort sur un ultra car le moindre grain de sable peut vite devenir une plage au fil des kilomètres et en ça je ne remercierai jamais assez CimAlp à la fois pour la qualité de leurs produits mais aussi, bien sur, de leur confiance.
Plus que 10′, tic-tac, tic-tac, je vérifie mes lacets pour la 64ème fois, mon camel pour la 76ème fois, je file vers l’arche, cherche Isa du regard, je ne la vois pas, je vois alors Thierry sur son vélo qui va, pour la 3ème année consécutive, ouvrir la course avec son VTT, un petit coucou, je regagne ma place, le brief de Laurent, le flot de paroles du speaker, ça monte, ça monte !!! Le décompte : 5, 4, 3, 2, 1 et BIM !!! Nous voilà partis, j’aperçois alors Isa sur le bord, un dernier coucou avant de la retrouver au 40ème, enfin si tout va bien pour moi ! Hasta la vista, baby !

C’est parti assez tranquille devant contrairement à l’année dernière, 5 ou 6 coureurs ont pris les commandes aux côtés de Thierry et je me retrouve juste derrière Philippe en compagnie de Nicolas, sympa de pouvoir discuter et d’échanger tout en trottant. Cela dit attention à ne pas s’emballer non plus, régulièrement je glisse un coup d’oeil au gps et mets des coup de frein à main, mais c’est difficile on se laisse emporter sur du 12km/h, alors pour le moment bien sur c’est lent et très confortable mais… je risque de le payer cash. Mais impossible d’aller moins vite, à ce moment là ce sont les jambes qui commandent. Bon mais on discute, on papote mais nous voilà déjà dans les salins, peu à peu le peloton s’étire, les coureurs par petits tas s’éloignent les uns des autres, ça y est le Raid est bien lancé, tout le monde est au pied du Géant. Les nuages présents nous font rater le lever de soleil et surtout estompent quelques couleurs uniques dégagées par ce cadre grandiose, mais le paysage est toujours aussi beau, tel que je l’avais laissé un an avant. Un peu avant le 8ème kilomètre je lève un poil le pied, ou peut être est ce le petit groupe avec qui j’étais qui monte un peu dans les tours, je me retrouve à une dizaine de mètres de part et d’autre des autres concurrents et, après avoir fait un petit direct avec le téléphone, déguste le panorama et la vue des premiers Flamants roses. Une heure de course et ma moyenne oscille légèrement vers les 12km/h, toujours confortable, l’air iodé me vivifie et les pensées positives vont bon train. C’est du caviar ! Le premier ravito se pointe alors, je marque une halte très rapide, plus pour la forme, un bout de banane et hop ça repart sous les encouragements des bénévoles. J’aperçois encore la tête de course et derrière c’est un long fil de coureurs qui s’étire sur la longue perspective qu’il m’est donné de voir. Et c’est reparti !

Le matin même j’avais le tendon d’Achille douloureux et enflammé, et là je suis en train de me rendre compte que je ne sens plus rien, le top ! Entre les guiboles qui tournent seules et le zéro douleur je me dis que ça va le faire, mais je reste prudent. J’aurai surement du calmer l’allure à ce moment là mais le plaisir étant là je n’y prête même pas cas. Les kilomètres défilent alors dans la douceur camarguaise. On est bien là hein ! Et V’la tit pas que mon passage au semi arrive et il affiche 1h49 à la pesée, dit comme ça ça fait tranquilou, mais il me reste encore 83km, une paille quoi, ne pas s’enflammer le pissou, surtout pas, d’autant que la plage de Beauduc se dresse maintenant devant moi avec 5km de sable fin toute en ligne droite qu’elle est. L’an dernier sur cette portion j’avais pris un peu cher, nous étions alors au 30ème, cette année le départ ayant été raccourci pour cause d’arrivée plus lointaine j’aborde ces premiers mètres plus sereinement.

Les foulées s’enchainent parfaitement, certes j’ai trouvé une trace de voiture et je glisse mes appuis dedans ce qui rend le sable plus dur sous mes pieds. Je suis surpris encore par cette fraicheur, la dernière sortie de 20km pourtant cool m’avait laissé un goût amer mais là, force est de constater, que malgré le sable et la distance parcourue, tout va bien dans le meilleur des mondes. A mi-plage l’allure a certes baissée par rapport aux portions dures mais elle affiche un bon 10,5km/h je suis en mode buggy, je ne fais pas le bruit du moteur mais presque. Je me revois alors un an avant en train de souffrir, mais justement ce qui se passe n’est pas normal, de deux choses l’une, soit j’ai été touché par la grâce ce matin, soit je vais exploser en plein vol, à ce moment là je choisis la grâce et ne réduis pas mon allure pour autant. 27ème kil, je sors du sable pour rejoindre la piste et arriver un kilomètre plus loin sur un ravito. Toujours les mêmes sourires et le même empressement des bénévoles à nous faire plaisir, un bout de banane, un peu de marche et hop ça repart, comme avec un mars, à part que là c’est de la banane.

Les Saintes Maries se pointent alors à l’horizon, 10km à les voir se rapprocher millimètre par millimètre dans cette perspective cernée par la plage et les étangs. Il va falloir être patient maintenant pour atteindre cet objectif. Je m’aperçois que sans le vouloir mon tempo s’est réduit, l’allure tourne d’avantage autour des 5’35 au kilo. Vers le 33ème kilomètre la première féminine me passe ainsi que deux ou trois autres coureurs. Des petites portions de sable qui jalonnent la piste m’engluent un peu plus à chaque traversée. Les jambes commencent un peu à peser, il reste 71km… J’ai certes fait du chemin mais c’est beaucoup trop tôt pour que ça lâche maintenant. Un peu de musique, quelques souvenirs en tête, et j’avance seul, sans témoin, sans personne, que mes pas qui résonnent, comme disait un certain JJG. Le souffle et le cardio sont au top, mais ça y est l’allure s’enfonce inexorablement vers des vitesses que seuls les limaçons de compet connaissent. 10km/h je suis à bloc !

Et soudain un petit point coloré vient vers moi, c’est Isa qui est venu à ma rencontre, pil-poil au bon moment, alors certes mon allure ne change pas mais sa présence et nos papotages me font vite oublier que je commence à être dans le dur. Chemin faisant sans changement de tempo les Saintes Maries arrivent plus vite. Sur la piste nous croisons un gros 4×4 BM, au volant Marie Sarah « machin » la « fameuse » toréador qui sans ralentir souleva un joli nuage de poussière en nous frôlant, comme quoi quand on ne respecte pas les animaux on ne respecte pas les hommes non plus. A l’entrée de la ville Isa me lâche pour aller chercher mon sac à la voiture et c’est elle qui se fait acclamer par la foule présente aux portes de la ville, elle a beau leur faire mais non je ne cours pas, vu qu’elle est quand même en train, les gens ne la différencient pas et l’encouragent plus que moi qui la suis à une vingtaine de mètres maintenant. Passage au marathon 3h50, aïe ça va faire mal, je réalise maintenant en ayant ce repère que la première partie a été faite trop rapidement. Bon je ferais le point plus tard la now … C’est base de vie avec pâté, saucisson, et autres ripailles. J’en profite aussi pour me rincer, changer de tee-shirt sans me soucier de mon voisin qui regarde sans cesse sa montre et lance à sa compagne « j’ai encore 4 minutes vite passe moi la barre de céréale… » puis se tournant vers moi « et toi tu prends combien ? » mais qu’est ce qu’il dit lui ? « euh moi ? Bah je pars quand je suis prêt » non mais sans dec, c’est pas la Spartan là ! Un petit sandwich au pâté dans la main et me voilà reparti en direction du bac du sauvage 7km plus loin. Me revoilà seul face à la Camargue sur une piste ornée de roseaux, quelques concurrents me remontent, mon allure continue de baisser et mes jambes s’alourdissent de foulées en foulées. Un peu de musique, nan ! Rien n’y fait la motivation baisse, il me reste un peu moins de 60km, la plage du grand radeau, Listel, Aigues Mortes…

Je fait mentalement le circuit du périple restant à accomplir, ça ne va pas passer, peut-être devrais-je stopper au bac où il y aura Isa… Hola jeune effronté, tu ne vas pas te laisser abattre par ça, pense à Laurent et aux benévoles qui t’ont concocté un superbe parcours, pense à Isa qui est sur le pont depuis le matin, pense à Matthis et à Marin qui sont si fiers à chacune de tes arrivées, pense à la CimAlpFamily qui est derrière et te fait confiance, pense à toute la team PapyCoach qui doit suivre ton odyssée derrière un ordi… Pense à toi même, jamais tu n’as stoppé une course alors ce n’est pas pour caler aujourd’hui, on se remet en selle et on se dit juste qu’il n’y a pas d’autre alternative que d’arriver à Vauvert dans les clous, peu importe la manière, on y est on y reste ! J’alterne alors bons nombres de phases de marche et de course limaçonesque, mais peu à peu j’avance, je réduis la distance et le Bac arrive enfin. Sur place je m’assoie et me masse les jambes avec ma lotion miracle (c’est du baume du tigre blanc). Pendant un quart d’heure je reste assis regardant le premier bac s’échapper, un petit direct avec le téléphone, le sourire revient, les jambes se décontractent, le moral remonte, il me reste 55km ! A ce moment là je sais que ça va aller au bout. Plus de doute, j’enfourche le Bac suivant (c’est une image hein !) I am the king of the world ! Je me suis bien refait la cerise ! Je regarde Isa s’éloigner, rendez-vous dans 33km … Le Rhône traversé me voici, avec mes jambes encore un peu mâchée mais avec l’envie d’en découdre, sur l’autre rive. YaPluKa !

La portion nous reliant à la plage du Grand Radeau est beaucoup plus plaisante cette année, un petit chemin bien plus bucolique que la longue piste habituelle. Les jambes vont beaucoup mieux mais ce sont les psoas qui commandent et eux je ne les ai pas massé, par conséquent bien que soulagé au niveau des quadris les jambes ont du mal à monter mais tant bien que mal toujours en alternance marche et course la plage du Grand Radeau se profile au bout de 5km. L’an dernier j’avais fais la grande traversée sans m’en apercevoir, un peu dans un état second en remontant mes souvenirs. Qu’allait-il en être cette année de ces 6km de sables et de ces jetées à enjamber ? Passé le ravito bordant la plage, je m’apprête alors à enlever mes chaussures pour traverser un bras d’eau. Mais cette année surprise, on peu passer à gué, c’est toujours autant de gagné. Je croise alors un groupe se baladant à cheval qui me salue et m’encourage puis je me lance sur la plage abandonnée. Il a du y avoir de sacré coup de mer cette année, non le sable n’est pas jonchée de tronc, au contraire tous les troncs ont été rassemblés en cabanes et édifices divers tout au long du rivage, ça lui donne encore plus cet aspect plage de Robinson Crusoé. Je m’attends presque à voir débouler Vendredi à tout moment mais ne l’oublions pas nous sommes samedi (ça c’était bien nul). Les premiers appuis dans le sable fin sont compliqués, mais bizarrement l’envie de marcher ne vient pas, me voilà à nouveau téléguidé, pas comme l’année dernière où la lucidité avait du faire défaut, non mais un peu en mode téléporté quand même. Il y a un truc sur cette plage ! Si vous avez l’occasion rendez vous compte par vous même, dépaysement garanti. J’ai tout de même un peu de mal à chaque enjambée de jetée, les cailloux rendus glissants par l’humidité et le sable laissé par les autres coureurs. Mais je dois dire qu’arrivé au 61ème kilomètre marquant la fin de la plage, j’étais un peu déçu de quitter cet havre de paix. Me voilà donc au ravito, je change de paires de chaussettes, car maintenant le sable c’est fini, et file vers la piste reliant la plage à Listel.

Soudain, les premières gouttes arrivent, il reste 42km de course (un petit marathon) et si ça s’intensifie ça va rendre la tache plus complexe. C’est une pluie fine qui tombe, sans vent, et tiède, il ne fait pas froid du coup c’est supportable, je ne sors pas ma veste mais les affaires, inexorablement se mouillent. Je ne me fait que très rarement doubler sur cette portion, en fait nous sommes un groupe de 8 à 10 coureurs, surement un peu à la dérive, et nous nous rattrapons les uns les autres très régulièrement, par moment certains disparaissent complètement du viseur pour réapparaitre quelques kilomètres plus loin. Certains commencent à cramper, de mon côté mis à part les psoas qui ne jouent plus leurs rôles de releveur ça passe. La musique m’aide pas mal sur cette portion. En fait je me fixe des chansons entière sur lesquelles je vais courir et ça marche, quand la chanson est terminée je bascule quelques hectomètres à la marche, puis, repars en trotting… Enfin l’allure oscille entre 7′ et 8′ au kilo, mais bon c’est toujours ça. Kilomètre 70 et déjà 7h50 au compteur, je rentre dans Listel et emprunte le chemin qui l’année dernière piquait avec ses herbes hautes. Cette année le girobroyeur a fait son boulot et mis à part quelques appuis fuyant à cause du sable rien à signaler, si il me tarde de voir le domaine de Jaras se profiler quand même. Ben y a qu’à demander puisque le voilà, ce domaine majestueux, planté au milieu de vignes centenaires. Il pleut toujours et une pause à l’abri au ravito me fait du bien, on papote un peu avec les bénévoles et le maître des lieux, un passionné…

Je décide de ne pas trop trainer quand même, étant trempé inutile de prendre le froid sur moi. En avant vers Aigues Mortes et ses montagnes de sel. Il me tarde là encore de les voir car elles seront symboles (j’en avait aussi avant des symboles quand je jouais de la batterie) de rapprochement. Elles se font désirées 2km et ouf les voilà, plus que 24km. Mais il pleut toujours. Le passage dans la belle cité d’Aigues Mortes me fait lui aussi du bien. Malgré la météo bon nombre de passants m’encouragent, et les bénévoles, n’en parlons pas ils sont là sous la pluie depuis des heures, statiques mais tout enthousiastes, là je me dis ce sont eux qui ont du mental de rester là à nous attendre, trempés mais toujours souriants, prévenants et ne tarissant pas d’éloges. Allez encore 6km et ce sera le prochain ravito où je verrai Isa. J’ai beau être matinal, j’ai mal. Mais je me force à essayer de repousser au maximum les phases de marche, je n’ai pas envie d’arriver avec la nuit, alors bouge toi ! J’échange quelques foulées avec un autre concurrent habitué aux longues distances mais avec du dénivelé, il commence à cramper, quelques mots d’encouragement et je m’éloigne un peu soulagé de voir un petit point violet et rose se rapprocher de moi, c’est Isa ! Nous faisons les deux kilomètres ensemble, comme dirait le Fidel’Arthur « C’est cool » !

Là je change de chaussure et bascule sur les runnings plus confortables et surtout me cale les pieds au sec. Une bonne poignée d’amande en main et Zou me voilà sur la dernière ligne droite, plus que 16 bornes ! La pluie semble s’atténuer et fini par laisser la place à un ciel couvert. Mais elle a fait des ravages. Une fois le pont traversé et les premiers sentiers retrouvés me voilà dans une espèce de glaise, bien grasse et lourde, labourée par les coureurs du Grand Raid mais aussi par ceux du marathon et ceux du demi marathon, bref un champ de patate en mode Holiday on Ice. Je manque de me retrouver les 4 fers en l’air à quelques reprises ce qui provoque évidemment quelques tensions sur les mollets, je vise les bandes d’herbe, mais dur dur je me retrouve très régulièrement avec 1kg d’argile sous les godillots. Le choix de passer au sec en running n’était peut être pas si judicieux en fait, me retrouver là en pneu slic dans la gadoue n’a rien de plaisant. Le temps va me paraître long. La grisaille et les longues lignes droites n’entament pourtant pas mon élan, je fais comme je peux mais j’avance, pas vite mais j’avance. Au moins j’ai le temps d’apprécier la tour Carbonnière qui pointe au milieu de nulle part et se dresse fièrement en me montrant le chemin de Vauvert. Une petite portion bitumée me permets de soulager de leur poids mes chaussures et là au détour d’un ponton The Ligne Droite, pardon The ligne Droite with Glaise. 4 kilomètres sous les arbres mais dans l’argile gluant, une tuerie à ce moment de la course. Je monte le son de mon MP3, chantonne, glisse, râle, regarde le Gps qui lui n’avance pas du moins au niveau de la distance, glisse, chantonne… Voilà résumé mes 4 kilomètres de vraie galère, mais au bout, il y a de la lumière, un ravito, je fais le plein de salé, ils m’annoncent 10 kilomètres avant l’arrivée, ça commence à sentir bon l’écurie.

Le sol est plus meuble, et le chemin bordé de taureaux. Les plus gros regardent d’un air un peu pesant sans broncher, les plus jeunes filent plus loin à mon approche, ils sont magnifiques, il faut voir la puissance que dégagent ces animaux. 3km plus loin un croisement, il est 19h20, il reste 7km et dans 40′ il fera nuit. En temps normal je gagnerai la pénombre dans sa course, mais là je préfère à la faveur d’une côte (l’une des seules) quitter le camel et chercher ma frontale afin de ne pas être surpris le moment venu. Ces passages un peu vallonnés me font du bien, je marche dans les montées et trotte plus légèrement dans les descentes, les psoas sont un peu soulagés de trouver un allié dans le relief. Dernier ravito, il reste 4km, j’enfourne une douzaine de rondelles de saucisse sous l’oeil ébahi des bénévoles. « Vous aimez le salé vous ? » me lancent-ils avec un air complice. Et là ça va pas tarder à être tout noir (Non je ne citerai pas le film RRrrrr). J’allume ma frontale et me lance sur la piste cyclable qui relie Vauvert. Pour tout vous avouer, j’ai eu l’impression de compter les gravillons tellement j’allais vite, mais quand j’ai aperçu les lumières de Vauvert j’ai du reprendre un instant la vitesse supersonique de 11km/h.

Du monde sur les bords, ça crie, ça encourage, la ville est là, une côte, je marche non, je repars, du monde, de plus en plus de monde, ça claironne, virage à doite, virage à gauche, une rue et au fond les arènes, du monde, encore du monde, la porte des arènes, l’arche, un salue au petit frère en haut comme après chaque ultra et je tombe dans les bras de Thierry après la ligne d’arrivée. J’ai envie de pleurer, de rire, et… d’une bière ! Isa mitraille de photos, on me donne le tee-shirt de finisher, et je réalise, non de non c’est fait ! 104km dont 65 bien compliqués. J’ai dompté à nouveau la Camargue en 13h06 à la 50ème position ! Je n’ai surement pas réalisé l’exploit du siècle, mais le combat a été rude. Heureusement que tout le long, Isa, les bénévoles, mes souvenirs et mes pensées m’ont porté jusque là car maintenant je réalise par où je suis passé à la fois dans le semblant de prépa, puis enfin dans la course. A fil des minutes les jambes se crispent, la douche n’y changera rien. Un coup de fil à Matthis et à Marin, ils sont fiers. Une bonne bière, elle glisse toute seule. Je croise Nico qui a tourné comme un avion en moins de 11h, idem pour Philippe, je voulais attendre Gilles car je sais qu’il va le faire mais Je suis HS, je ne suis bien ni assis ni debout, il est temps de prendre la route. Le retour a été compliqué, 2h coincé dans la voiture à ne pas savoir comment me mettre, mais peu à peu les périodes troubles de la courses laissent la place aux belles et à l’arrivée ! La Camargue, là où tout à commencé et là ou je reviendrais, longue vie au Grand Raid de Camargue !!!

Et Gilles alors ? En guerrier qu’il est, il est parvenu lui aussi au de ce Grand Raid très éprouvant en un peu plus de 16h, chapeau bas mon Gillou et See You chez les Cathares !

Place maintenant à un peu de récup, pas d’objectifs précis en tête, on va un peu faire à l’envie des petites courses de ci de là, jusqu’à ce qu’un nouveau géant me fasse les yeux doux !

To be Continued…

Crédit photos : Delphine Lespes, Grand Raid de Camargue et DR

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