Jeudi 2 juillet 2020 : Les affaires sont prêtes, plus qu’à charger la voiture et à prendre la direction du Queyras et plus particulièrement de Brunissard qui sera mon camp de base pour les jours à venir. L’objectif est de faire le tour du GR58 de Brunissard à Brunissard en empruntant une petite variante, celle du Pain de Sucre, le tout en totale autonomie et comme Han, en Solo (bon là si t’as pas compris tu reprends les épisodes IV, V et VI de Star Wars). Le choix du sac de 20 litres s’est donc rapidement imposé. Dedans il y aura : 1,5 litres d’eau, et une flask filtrante pour remplir les gourdes dans les torrents, la veste thermique, un Tee shirt de rechange, le pantalon et la veste Storm Pro, des gants, des chaussettes de rechange, le téléphone, une balise, ma petite pharmacie de base avec élasto, lentilles de rechanges, couteau… Et bien sur un bon stock de nourriture pour palier aux 8000Kcal que je m’apprête à dépenser. Bilan 7,3KG sur la balance le sac, mais il faut ce qu’il faut.

Après quelques heures de route, me voici arrivé au Camping de L’izoard, logé dans ce qu’ils appellent le camp de base, qui, pour le coup porte bien son nom. Le camping est idéalement placé juste au pied de l’Izoard et le personnel vraiment adorable, le tout évidemment dans un écrin en plein coeur de la vallée d’Arvieux. Un dernier check au Camel, une petite Duvel (avec modération), un bon repas bien consistant et hop au dodo, d’ailleurs je ne vais pas trop traîner dehors la température a bien baissée et c’est un petit 8° qui m’accompagne jusque sous la couette dans la tente. Ça change des 30° que nous avions ces jours derniers sur Carcassonne, mais ça aide à bien dormir, en même temps il va falloir car le réveil va sonner à 3h45 histoire de bénéficier au maximum du jour tout en étant frais. Comme promis, 3h45, ça sonne, et je n’ai qu’une envie, y aller ! Dans une petite heure ce sera le départ pour 120km et 9000 D+ (sur le papier, enfin le gps) en gros un peu moins d’une trentaine d’heure, même si j’espère être là avant tout en profitant au maximum de ces paysages grandioses et sauvages qui s’annoncent.

5h15, BIM ! C’est le départ avec la frontale vissée pour une bonne trentaine de minutes sur le front (c’est mieux quand même de la mettre là la frontale, on y voit mieux). D’entrée c’est droit dans la pente, un petit 3,6km pour 650D+ qui m’attend. Inutile de chercher à trotter sur les parties à 20% ou 30% mais le tempo, donné par les bâtons, petit à petit, s’intègre très bien. Au bout 20 minutes j’éteins la frontale, car le jour est suffisant pour progresser, j’arrive alors sur un petit replat bordé par un très haut pierrier sur ma gauche, quand tout à coup ça bouge… Un chamois est en train de remonter vers ses quartiers diurnes. Première rencontre qui, d’entrée de jeu, t’en mets plein les yeux et te conforte sur le fait d’être là, seul avec Dame Nature. Le temps de marquer un arrêt jusqu’à ce qu’il disparaisse sur les sommets et c’est reparti. Au fur et à mesure de ma progression le jour commence à envelopper la vallée laissant apparaître une myriade de couleurs. Les premiers rhododendrons font leur apparition dès que les derniers épicéas s’effacent de la piste. Après 56 minutes de grimpette, me voilà en haut du col Tronchet à un peu plus de 2400m d’altitude. Une petite halte pour ranger la frontale dans le sac, une petite compote histoire de fêter dignement cette première ascension et c’est la descente vers Souliers. D’abord assez raide, celle-ci devient maintenant assez roulante et je me laisse aller avec mon Camel qui ressemble plus à un gros cartable Tann’s sur une piste qui a maintenant fait place aux précédents singles. La végétation a bien changé sur ce versant là, il y a beaucoup plus d’herbe à vache et de pâture, c’est le vert clair qui domine à présent. J’essaie de ne pas me laisser emballer par cette portion roulante mais rien n’y fait, ça descend tout seul. Bilan me voilà un peu en avance sur mes prévision en traversant Souliers après 1h25 de promenade. Devant moi maintenant une belle montée toute en lacets et en sous bois. Habituellement je ne suis pas un gros fan des lacets, préférant tirer droit dans la pente, mais là je ne fais pas mon difficile car entre chaque virage les portions tirent entre 20% et 30%, donc au final les lacets, c’est bien !

Sorti de cet entrelacs, fini le sous bois, place à de l’herbe à perte de vue. Somptueux ces changements de paysages en l’espace de quelques minutes. Je continue ma progression quand tout à coup sur ma droite je me fais siffler ! Première marmotte de la journée, là, à une petite dizaine de mètres. Elle se tient droite devant son terrier et me scrute. Sans pour autant avancer je dégaine le téléphone pour immortaliser le moment. Elle tient alors la pause, restant droite et immobile. Inutile de l’embêter un peu plus je reprends ma route vers le col de Péas dont je n’aperçois pas le sommet pour l’instant. Toute la grimpette se fera au rythme des sifflets de marmottes il y en a tout autour et dès que je progresse dans leur direction ça siffle à tout va. Je suis du coup beaucoup moins efficace au niveau du tempo absorbé par leur présence. J’ai juste envie de sortir le téléphone et de toutes les photographier. Mais bon le temps passe et il faut se faire une raison, j’en reverrai d’autres. Grâce à elles et grâce et ces panoramas je grimpe sans sourciller. Il est 8h20 quand j’atteins le col de Péas à 2700m d’altitude après 14km à arpenter les sentiers.

Deuxième sommet, mais premier névé. Celui ci se contournera par sa droite, il n’en sera pas de même pour tous par la suite. Après le Up, il y a le Down et en amorçant la descente je rencontre mes premiers semblables en mode rando. On échange un bonjour, puis ils me demandent si la descente de l’autre côté est technique et enfin ce que je fais là en tenue qui diffère un peu de la leur. A leur regard je perçois une pointe d’ahurissement quand je leur dis que je veux boucler le tour en moins de 30 heures, mais c’est sous leurs encouragements que je plonge vers « Les Fonts » et la jonction des torrents de la Cerveyrette et de Pierre Rouge. Magnifique portion là encore, toujours cerné par mes nouvelles copines les marmottes. Je croise là encore quelques randonneurs mais c’est loin d’être une autoroute bien que l’heure se prête maintenant à la rando. Après avoir croisé un superbe cheval un peu perdu à cet endroit là j’arrive alors au hameau des Fonts. Petite pause après 4h tout pile d’effort, je m’assois sur un ponton enjambant le torrent et avale quelques amandes et un peu de saucisson, la base ! C’est alors qu’un groupe de randonneurs qui ne m’ont pas salué malgré mon bonjour, mis à part la guide, se dirigent vers le sentier que je dois emprunter. J’écourte alors un peu, histoire de ne pas me retrouver coincé quand le sentier va se rétrécir, c’est à dire assez vite. Très rapidement je reviens à leur niveau et lance un « pardon ». L’écho de mon pardon retentit en « la montagne est à tout le monde »… Ambiance … Ils sont une bonne douzaine en file indienne et si je me mets à leur tempo je sera à Carcassonne en septembre. Heureusement la guide entendant cela rétorque illico « la montagne est à tout le monde et au rythme de chacun, si tu veux le suivre vas-y », ouf après 12 mercis me voilà devant en train d’attaque la montée vers le col du Malrif à 2900 mètres d’altitude, dans ce qui s’apparente plus maintenant à un ruisseau qu’à un single.

Les pieds ne seront pas mouillés longtemps, uniquement un petit kil à remonter ce ruisseau et puis la température est montée d’un cran et l’effet séchoir est immédiat. Je retrouve alors les paysages de la dernière descente avec mes copines les marmottes dont une qui s’affaire à brouter à 3 mètres de moi sans même être dérangée par ma présence. Un peu plus haut un couple plie le campement de la nuit, je me dis alors que ça doit être bien sympa que de faire ce GR en itinérance en famille en prenant le temps, sans ce soucier du temps qui passe et profiter au maximum de cette faune et de cette flore. Chemin faisant j’essaie de scruter pour essayer de deviner le sommet par lequel je vais passer et le cirque dans lequel je me trouve ne laisse que peu de place au doute. Le point le plus bas est déjà très haut et semble bien technique. Je n’avais pas tort… Me voilà à présent au pied d’une montée de schiste, raide. J’entrevois un randonneur au beau milieu de celle-ci ce qui ne laisse plus planer le doute. Bon ben quand faut y aller, faut y aller… La tête plonge dans les bâtons, un petit coup d’oeil en arrière pour voir le chemin réalisé et go !!! Il me faudra marquer quelques pauses sur cette partie pour reprendre à la fois souffle et énergie. La chaleur tape pas mal et les gourdes descendent vitesse grand V. Je vois que je reviens peu à peu sur le randonneur aperçu depuis le bas. Pas de dossard, mais du coup un dans même que je le calcule, la cadence s’accélère pour que je revienne dessus rapidement. C’est devenu mon objectif, ma proie dans cette grimpette. Le tempo des bâtons se fait plus rapide, le cardio grimpe au fil des mètres ascensionnels et la respiration se fait plus soutenue. Il faut lever de pus en plus les genoux par endroit pour passer par les bonnes trajectoires, premier coup de calgon de la journée entre chaleur et dénivelé… Mais voilà 25ème kilomètre me voilà à un peu plus de 2900 mètres d’altitude au sommet du col du Malrif, 200 mètres devant le randonneur. Là je m’attendais, mal habitué que je suis, à une vue plongeante sur la vallée suivante. Que nenni … Devant moi, the big Névé… Je regarde la montre pour voir par où passe la trace, n’ayant pas envie de faire du toboggan dessus et j’entrevois alors le passage avec les traces de pas. Bah finalement le toboggan c’est pas mal ! Après 3 appuis dessus, me voilà parti en mode luge sur mes fesses. Un petit Shouss et BIM me voilà en bas du névé.

Je lève alors la tête une fois en bas de ma piste de Bobsleigh et instant magique. Je l’ai ma vue sur la vallée avec en prime le lac du Grand Laus en premier plan. Là tu te cales 2 minutes les fesses par terre et tu savoures. Tu savoures le pourquoi tu en as bavé quelques instants avant, la récompense est là sous mes yeux, je suis seul au milieu de cet immense espace, des montagnes à perte de vue, ce lac grandiose surgit de nulle part avec mes copines les marmottes à quelques hectomètres plus bas.

« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! »

Alphonse de LAMARTINE
Le lac

C’est con mais c’est ce qui me vient en voyant ce panorama… En même temps comme dirait Faf la Rage, « Pas le choix, faut y aller » ! et puis J’ai pas le temps, Mon esprit glisse ailleurs…

Au rythme des sifflements des marmottes me voilà en bord de lac. Une petite pause s’impose… Je remplis mes gourdes via la flask filtrante, il était temps d’ailleurs, je ne devais disposer que de 300ml d’eau. une grosse barre énergétique et hop c’est parti pour 10km de descente !!! Celle-ci s’avère peu technique et sur terrain meuble. Ça glisse tout seul. Au fil des croisement de randonneurs et des bivouaqueurs les kilomètres défilent. Tant et si bien qu’après avoir fait une prière devant Notre Dame des 7 douleurs (non je déconne), d’ailleurs si quelqu’un peu m’éclairer sur les 7 douleurs de cette Dame je prends, me voilà à Abriès. 10km et 1200D- plus bas. Après avoir traversé des champs multicolores et des ruisseaux chantants, maintenant c’est l’heure de se restaurer plus goulûment. Je dégotte un petit snack non loin du GR, m’installe en compagnie du toutou du propriétaire et hop Panini and Beer au programme. Le simple fait de me poser sur une chaise après 7h30 de cavale me refait, quand au panini et à la bière, ils me font regagner 10 points de vie. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Après 20 minutes de pauses, bah faut retourner au charbon, en même temps je vous l’accorde comme charbon, il y a bien pire. Il est un peu plus de 13h30 quand je reprends ma route et la chaleur est à son comble. Ça tape sévère durant les premiers kilomètres ascensionnels. Plein soleil et les muscles qui brûlent, c’est compliqué de repartir après tout ça. Mais finalement un torrent bien joueur me permettra de faire retomber la température. Le frais me redonne un coup de boost et c’est parti ! 10km et 1000D+ à suivre. C’est reparti comme en 14. Au programme dénivelé, sous bois, aspersion dans le torrent, et chants des oiseaux. La montre me joue alors quelques tours, si ce n’est le GR… Au final c’est en mode intuitif, sans pour autant perdre de vue la trace de la montre que je vais effectuer cette grimpette. Mais à seulement 1 petit kilomètre du sommet, BOUM !!!!

Un coup de tonnerre vient de retentir. Bon ok il n’est pas du tout au dessus de moi, mais il est juste dans la vallée où je vais. Je continue ma progression mais à quelques centaines de mètres du sommet, je vois que c’est la guerre. De l’autre côté le ciel est bas et il s’éclaire régulièrement rythmé par les BOUM’S du tonnerre. Etant donné que je ne suis pas venu bossu et que je n’ai nul besoin qu’un éclair me foudroie (ou « fout droit » pour ceux qui n’auraient pas compris), je décide de me poser le temps que ça passe. Bilan 20 minutes plus tard, Yabon ! La voie est libre. Je franchis le peu qu’il me restait et me voilà en haut du Collet de Gilly. La bascule est moins sympa ce coup-ci car me voilà au coeur d’une station de ski. L’orage a laissé ses stigmates dans l’herbe qui est trempée, du coup c’est en mode, je cherche la terre que je commence à descendre. Là, régulièrement, montre et GR ne sont pas d’accords. A plusieurs reprises il me faut jardiner pour trouver la trace adéquate. Bilan en bas il y aura 5km de différence entre le prévisionnel et l’accompli et évidemment pas en ma faveur. D’ailleurs à propos de le trace, je tiens à remercier grandement Fab alias le Fayot qui m’a remis cette dernière. En effet c’était pil poil ce qu’il fallait, les seuls bugs sont venus du GR qui, modifié par ci, enneigé par là, bifurquait par moment. En attendant c’est englué au milieu d’un troupeau, avec de l’herbe à mi cuisse que j’entrevois enfin Ristolas. Dans ces cas là, règle numéro Un, garder son calme et garder le cap ! Ça fini toujours par passer.

Ristolas, 50km dans la musette ! Un peu moins que la mi-parcours et 11h30 de course. Par contre maintenant devant moi se dressent 12km et surtout 1300D+. Le ciel, lui, a baissé. J’espère encore qu’en grimpant je vais passer par dessus la perturbation au lieu de lui rentrer en plein dedans. Les premiers kilomètres sortant de la commune sont plutôt roulants, mais arrivé dans le sous bois, ça y est c’est l’orgie, pente moyenne 20%. Mais bon pour le moment ça passe. A la sortie d’un virage j’entends aboyer. Devant un troupeau de mouton dans une pâture clôturée et à côté 4 patous. Un coup de sifflet du berger suffira à faire jaillir un border collie, le faire sauter d’un côté à l’autre de la clôture et mettre au pas les 4 molosses. Impressionnant le boulot de ce toutou. N’empêche c’est sous des aboiements nourris que je poursuis ma grimpette vers Col vieux. Quelques minutes plus tard, ma partenaire de la deuxième partie de course se pointe, la pluie. Fine et rafraichissante au début elle se fait rapidement froide et pénétrante. Je marque alors un arrêt, dégonde le Camel et sors ma Storm Pro. Nickel le short en bas me suffit et la veste fait le reste du job. La montée se fait de plus en plus raide et je dois marquer quelques pauses en essayant de me couvrir sous un arbre pour minimiser l’impact de la pluie qui forcit de minutes en minutes. Heureusement pas d’orage à l’horizon, je peux continuer ma progression serein, mouillé, mais serein. Arrivé à la source du torrent de Bouchouse, même sous la pluie c’est un petit moment de bonheur. Le Lac Egorgéou et ses deux autres compères Baricles pointent le bout de leur nez en contrefort du Col Vieux. Je stoppe 5 minutes histoire, même sous la pluie de contempler le panorama et repars à l’assaut du lac Foréant situé 2 kilomètres plus haut. La pluie ne me laisse aucun répit et se fait de plus en plus froide. Le vent s’est levé et elle vient fouetter mon visage en mode peeling.

J’essaie au mieux d’éviter les zones marécageuses bordant le lac, mais malgré mes efforts les pieds commencent à se tremper. Les mains elles commencent à se crisper sur les bâtons à cause du froid. N’ayant pris qu’une paire de gants je préfère la conserver pour la nuit plutôt que de la tremper. Vivement le refuge d’Agnel que je puisse me changer intégralement et enfiler ma tenue de nuit. Il y a maintenant bien longtemps que je n’ai croisé personne et si, habituellement, cela a plutôt tendance à me ravir, là il me tarde de me glisser au chaud et d’échanger quelques mots. A mi chemin entre les deux lacs, la pluie cesse… Pour laisser place à la neige. Alors ça, c’était pas prévu du tout ! J’hésite à sortir le pantalon et les gants du sac, mais le peu de distance avant le refuge D’Agnel me font renoncer. Encore 2km avant le sommet du Col Vieux et c’est l’apocalypse. Le vent rend les flocons plus durs les uns que les autres, les coups de soleil acquis durant la journée se transforment en zone de chocs thermiques. Heureusement en maintenant un tempo élevé la température corporelle arrive à se maintenir, reste les mains et les pieds qui ramassent. Col vieux 2850m … Check ! C’est la bascule vers Agnel… Durant celle-ci je renonce au pain de sucre que je ne devine même pas sous cette averse blanche. Manquant de riper à plusieurs moments, j’accélère encore et encore. Et, soudain au détour d’un lacet le voici… Le refuge du col d’Agnel.

15h30 d’efforts et 65km dans la musette. Il n’est pas loin de 21h quand je pénètre dans la salle sous les yeux un peu médusés des clients, pieds nus (bah oui interdit de rentrer avec les chaussures), en short avec ma veste étanche alors que dehors ça alterne entre neige et trombes d’eau. Pourtant les propriétaires eux ne sont pas surpris. Ils me demandent même ce que je souhaite à simplement 30 minutes de la fermeture de la partie restauration du refuge. Je demande alors ce qu’il y a de tout prêt, ce sera une bonne soupe, une bière et un plateau de fromage dont vous verrez l’image en dessous, ce qui tombe bien parce que des images de la nuit je n’en ai pas… En fait il s’agit d’un couple de traileurs qui gère ce refuge. Moment hors du temps à échanger sur les courses, sur ce que j’ai fait et ce qu’il me reste à faire, le tout avec une gentillesse peu commune. Si un jour vous êtes dans les parages arrêtez vous, il est rare de trouver des personnes comme celles-ci de nos jours. Après avoir avalé une bonne partie de tout ceci, je sors enfin mes affaires de nuit. Et là … C’est le drame ! Malgré toutes mes précautions, la veste thermique et le tee shirt sont mouillés. Malgré tout je les enfiles, mais la sensation de froid, au sein même du refuge, s’installe. La suite s’annonce compliquée d’autant que la nuit est là, accompagnée du froid et de la pluie.

C’est avec tout un tas de recommandations et me disant d’appeler s’il y avait un soucis sur les prochains kilomètres que je repars, le bide et le coeur un peu lourd. Direction le col de Chamoussière à 2900m d’altitude. Mais pour le rejoindre il y a des pièges… Une bonne dizaine de névés font face à moi, à flanc de montagne. Il va falloir les traverser un à un, le premier sous la pluie, et tous les autres dans un blizzard des familles. Heureusement le pantalon storm fait le job, et petit à petit les vêtements mouillés s’imprègnent de la température corporelle. Les gants eux sont encore à peu près secs, mais pour combien de temps. Mes chaussettes neuves, sèches à peine quelques minutes auparavant, commencent à se tremper. Un névé, deux névés, trois névés, à chaque traversée je redouble de prudence avançant d’abord les bâtons, assurant la prise, un pas après l’autre. Pendant ce temps la neige se régale de venir me transpercer le visage poussée par le vent. Il faut rester vigilant et surtout ne pas précipiter les choses. Un névé après l’autre, on avance, pas à pas, surement et calmement, la solution est là !

Moins d’une heure plus tard le col est franchit et il ne me reste, sur le papier, que 10km pour rejoindre Saint Véran.

Plus de photos à partir de maintenant, le téléphone restera au chaud !

Au fil de ma descente la neige laisse place à la pluie, et enfin vers minuit elle cesse. Après une partie de descente assez technique à cause de la nuit et de la pluie surtout, me voilà face à une belle piste en faux plat descendant. Le rêve ! Mes extrémités sont glacées, mais cette portion, me permettant de m’activer, réchauffe petit à petit tous mes membres. Après la pluie le beau temps et après le technique, du roulant, enfin. J’avale un à un les kilomètres, regardant toutefois les embranchements possibles. Il y a en effet plusieurs accès à Saint Véran. Et puis soudain… Allez hop capture d’écran de ma trace, vous allez comprendre…

Alors que les lumières de Saint Véran se profilaient, d’un coup OUAF ! Des aboiements ! Aïe… Face à moi, à une cinquantaine de mètres plus bas, 4 patous au milieu de la piste. J’avance un peu, eux aussi… Je demande (bon en même temps à minuit et demi peu d’illusion) s’il y a quelqu’un, réponse OUAF ! Je tente un pas en avant, ils en font 4 vers moi. La retraite s’impose et elle n’est pas indulgente. En quelques secondes je cherche un plan B et me souviens que 5km plus tôt il y avait un autre itinéraire. Bon il faut tout remonter, mais pas le choix ! C’est ça où je sers de repas aux patous ! Heureusement 2km plus haut j’aperçois un panneau que je n’avais pas vu en descendant, Saint Véran par les « je ne sais plus quoi » ! Bingo, j’ai limité la casse me dis-je.

Fuck les patous, je vais bien vous la coller en passant sur l’autre rive de l’Aigue Blanche.

C’est le sourire de vainqueur en coin que je suis ce petit sentier, non sans élargir le zoom de la trace de ma montre pour ne pas perdre le chemin normal. Mais là après quelques mètres premier doute. Devant moi, un ponton fait de bois de palette sur deux troncs, le tout en dévers, surplombe le torrent. Humidifié par la pluie, j’ai bien peur qu’il ne soit rendu glissant et m’emmène vers un bain de minuit non souhaité. Un pied après l’autre je jauge les planches et l’accroche, posant bâtons et pieds à chaque appui histoire d’avoir toujours au moins trois ancrages à chaque pas, et après quelques suées ça passe ! Je repense aux patous avec un sourire narquois, mais le sourire va très vite s’effacer… A l’aide de la frontale je cherche une marque jaune indiquant le chemin, la trouve, mais voyant le chemin je déchante vite. Devant moi, le chemin n’a pas du être emprunté depuis au moins un an, il va falloir passer dans de l’herbe qui m’arrive au bassin et ce pendant 5km. Dès les premiers appuis me voilà trempé. Enfin les pieds surtout, concernant les cuisses le pantalon fait le job. Mais pour les pieds il est trop tard ! L’eau ne s’évacue plus. Tant bien que mal j’avance, entendant les patous de l’autre côté qui jappent. Mi orientation, mi jungle voilà comment vont se passer ces 5km. Ils seront heureusement agrémentés d’un passage de chamois, d’un croisement de putois, pas timide pour deux sous, et d’un canidé à une cinquantaine de mètres, dont certains diront après qu’il ait pu s’agir d’un loup, si tel est le cas je suis passé sous son regard bienveillant sans qu’il ne sourcille.

20h15 d’effort et 85km au compteur, me voilà enfin à Saint Véran, trempe, les pieds et les mains gelés, mais à nouveau sur ma trace. Je marque alors une pause barre, amandes, saucisson et surtout essore gants et chaussettes. Et quelques minutes après me voilà reparti. Là le GR ressemble à ce que je viens de passer, des herbes hautes, à peine couchées par quelques passages et c’est reparti pour les pieds trempes. Le froid s’installe à nouveau et en sortant des herbes ruisselantes, qui voilà ? Bah la pluie évidemment ! Et devant 5km et 900D+ …

Alors habituellement je me dis tu vas mettre du tempo et ça va te réchauffer, mais là l’eau ne s’évacue plus des chaussures, j’avance dans un « hoka-marécage ». Le vent, tient manquait plus que lui arrive ! Certes il chassera la pluie une trentaine de minute plus tard, mais le mal est fait. Les doigts peinent à cramponner les bâtons, je suis obligé d’enlever les gants trempés pour avancer à nouveau. Les pieds eux sont comme s’ils étaient chaussés de baskets en marbre. Parfois à l’abri d’un rocher un peu haut, je m’accroupis et frotte les extrémités. Il faut rester lucide et surtout chasser cette fatigue qui commence à pointer le bout de son nez. Par étape trouver des endroits abrités et surtout ne jamais y stagner trop longtemps.

4 heure du matin, le col des Estronques et ses 2700m sont vaincus ! Bon non sans mal, je ne saurai calculer le nombre d’arrêts à l’abri que j’ai effectué mais c’est fait !

Il ne pleut plus, dans deux heures le jour va se lever, la météo s’annonce belle ! C’est fait je me dis ! 8km pour descendre sur Ceillac, la dernière ascension et ce sera la descente vers Brunissard !

Malheureusement, le plan ne va pas se dérouler tel quel. Dès les premiers hectomètres de descente j’ai l’impression que mes deux plantes de pieds sont en train de se décoller. Je n’ose pas une fois de plus enlever les chaussettes et regarder. Dans la descente ça va sécher certainement, mais non, l’eau a infiltré le moindre millimètre carré de mes chaussures et de mes chaussettes. Au fil des mètres j’ai l’impression que je marche à la fois sur des charbons ardents, mais également que la peau s’en va au fur et à mesure. Je marque quelques pauses durant cette descente, mais arrivé à 2km de Ceillac, ma décision est prise, il me sera impossible d’attaquer le dernier col et de rejoindre Brunissard par la voie normale. à 2km du village, je coupe donc la montre, histoire de ne pas être tenté de repartir une fois posé au village. C’est la fin ! Mais en même temps, il n’y a plus de plaisir, et le but était là ! A quoi cela me servirait-il de continuer à perdre de la peau et de risquer plusieurs mois d’arrêt ? A rien …

Tant bien que mal, en avançant à pas feutrés, Ceillac se profile enfin à l’horizon. Entre la mairie et l’église je trouve un banc et annonce mon arrêt. Dur dur, mais c’est comme ça, il faut parfois savoir renoncer pour avancer.

Par contre le soucis quand tu fais en solo sans assistance, c’est le rapatriement ! Il est 6h30 du mat, après avoir tenté 4 compagnies de taxi je me résous à faire du stop. Ceillac étant dans un impasse le début s’avère compliqué. Après 2km infructueux une voiture s’arrête et me dépose à la maison du Roy 6km plus bas, puis de là 5 minutes après un automobiliste me dépose au pied de la montée d’Arvieux, J’effectue 1km avant qu’un autre automobiliste ne me dépose sur Arvieux, enfin 500 mètres plus haut ce seront 3 automobilistes qui me déposeront au camping de l’Izoard ! Fin du périple et grand merci à ces bons samaritains.

Arrivé à la tente je défais mes chaussures et contemple le carnage. La marinade a entraînée de large crevasses à deux doigts de devenir des tranchées sanguinolentes. Bref je me suis arrêté à temps!

Aucun sentiment de défaite ne m’anime, je sais que j’étais prêt, la fenêtre météo n’a juste pas été la bonne, mais bon, c’est la montagne qui décide. Dès le lendemain s’en suivra une petite rando de 5km 500D+, et le surlendemain une de 6km et 600D+, histoire de combler ces 15 kilomètres qu’il m’aura manquer pour boucler le Tour du Queyras, mais aussi pour savourer encore un peu les paysages de cette région magnifique !

To Be Continued …

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